S’y retrouver dans le flou des étiquettes des poudres de lait
Décryptage. Gilbert Laumonnier, vétérinaire, apporte les clés pour mieux comprendre les informations sur les étiquettes des aliments d’allaitement pour les veaux.
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L’étiquetage des aliments pour les bovins est soumis à une réglementation européenne (n° 767/2009) et contrôlé en France par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). La liste des matières premières utilisées pour la formulation doit être renseignée dans la composition indiquée sur l’étiquette, « mais le taux d’incorporation de chacune, c’est-à-dire la formule de l’aliment, n’est pas obligatoire, et donc rarement présente, souligne Gilbert Laumonnier, vétérinaire en Mayenne et membre de la commission vaches laitières de la SNGTV. « La lecture de cette liste peut néanmoins apporter des informations éclairantes sur la qualité des matières premières employées et leur impact zootechnique. » Première indication : dans la composition, les matières premières doivent être classées par ordre d’importance décroissant (le total cumulé faisant 100 %).
Un minimum de 22 % de protéines et de 18 % de matière grasse
« Les premiers éléments de la liste sont prépondérants. Ils varient de 80 à 30 % d’incorporation. Puis, cela descend vite autour de 3 à 10 % en milieu de liste, pour n’être plus présents qu’à l’état de traces pour les derniers constituants, surtout quand la liste comprend dix ingrédients ou plus. » Sur ce principe, pour apprécier la qualité d’un aliment d’allaitement, la lecture de l’étiquette se fait par étapes.
S’assurer que l’aliment est adapté à son utilisation : c’est un préalable qui ne figure pas sur l’étiquette, mais sur le mode d’emploi. En effet, il s’agit d’abord de contrôler si la température de dilution correspond bien aux pratiques de la ferme. Classiquement, la dilution se fait dans une eau à 55-60°C. Avec un Dal, il faut miser sur une poudre pouvant être diluée à une température inférieure, c’est-à-dire à 45-50°C. Ce sont les poudres dites « instantanées ».
Vérifier si les apports de MAT et MG sont suffisants : « 22 % de protéines et 18 % de matière grasse sont des minima indispensables pour un aliment d’allaitement. » Cette information est toujours présente dans la rubrique analytique de l’étiquette.
Apprécier la teneur en PLE (poudre de lait écrémée) : entre les aliments à 50 % de PLE ou plus et les aliments dits « sans lait » à base de lactosérum, de babeurre et de matières azotées végétales, tous les intermédiaires sont possibles. Plus le niveau est élevé, plus l’aliment est cher !
La caséine contenue dans la PLE entraîne la formation d’un caillé consistant dans la caillette, et donc une digestion lente plus sécurisante pour la croissance du veau. « Si les conditions ne sont pas optimales, je conseille un aliment dosant au moins 50 % de PLE et, dans tous les cas, au moins 35 % », souligne le praticien. Avec la baisse de la concentration en PLE, la tenue du caillé diminue, ce qui augmente la vitesse de digestion et réduit un peu la digestibilité de la buvée. En dessous de 30 %, il n’y a plus de caillé et la digestion s’apparente à une poudre de lait sans PLE. « Ces aliments à base de lactosérum ont l’avantage du prix. Comme ils sont digérés rapidement, le veau a faim plus vite et cela l’incite à consommer du concentré, ce qui a pour effet de réduire les coûts. De plus, si le concentré est bien consommé, il y a aussi moins de risques de perte de poids après le sevrage. »
Mais une digestion rapide peut également générer des sensations de faim et de froid chez le jeune veau. C’est pourquoi le passage à un repas par jour avec ces aliments à base de lactosérum ne doit pas intervenir avant un mois d’âge, contre quinze jours à trois semaines avec des poudres riches en PLE. « Quel que soit l’aliment, avec des vêlages d’hiver en région froide, ou dans des bâtiments froids et humides, passer à un repas par jour est à éviter. »
Les protéines végétales derrière les huiles dans la liste des ingrédients
La teneur en PLE est rarement renseignée sur l’étiquette, sauf lorsqu’elle est supérieure à 50 %. C’est alors un argument commercial mis en avant comme gage de qualité. Sinon, il faut retenir que si la PLE est le premier ingrédient de la liste, son taux d’incorporation est supérieur à 35 %. « Cet aliment va se comporter dans la caillette presque comme un aliment à 50 % de PLE. » Dans le cas contraire, cela signifie que la teneur en PLE est comprise entre 0 et 35 %. Sa place dans la liste permettra d’avoir une idée de sa quantité (voir infographie). En l’absence de PLE, il s’agit d’un aliment à base de lactosérum à digestion rapide et une observation plus détaillée de l’étiquette permettra d’apprécier sa qualité.
Évaluer les apports protéiques : « Il y a de bons produits dans la gamme des aliments sans lait. Cela dépend de la quantité des protéines apportées par les matières azotées végétales en complément du lactosérum et, à un degré moindre, du babeurre. Sur l’étiquette, ces protéines végétales doivent arriver après les huiles. C’est un indicateur de faible quantité (maxi 20 %). » Sur le volet qualité, le gluten de blé, le plus utilisé, offre une bonne digestibilité, de même que la farine de pois. En revanche, le vétérinaire déconseille la protéine de soja car moins digeste.
Évaluer la qualité des matières grasses (MG) : dans les aliments d’allaitement, la matière grasse butyrique du lait est remplacée par des graisses végétales ou animales. Les apports doivent être variés afin de couvrir les besoins en acides gras essentiels et en acides gras courts des veaux, tout en limitant les acides gras longs saturés plus difficiles à digérer. On cherche surtout à éviter la présence de suif en raison de sa mauvaise digestibilité (le saindoux est plus digeste). La présence conjointe des huiles de coprah, de palme et de colza est le signe d’un aliment de qualité supérieure. Mais le plus souvent, seulement deux d’entre elles sont présentes.
L’huile de coprah est la seule à contenir des acides gras courts, source d’énergie rapide. Elle est intégrée dans presque toutes les formulations entre 20 et 30 % de matières grasses totales, ce qui permet d’avoir une idée approximative de l’apport des autres matières grasses (voir infographie). « L’huile de palme pose question d’un point de vue écologique, mais c’est la moins chère et elle offre une bonne digestibilité (93 %) malgré un manque d’acides gras insaturés, d’où l’intérêt de sa combinaison avec l’huile de colza. »
Jérôme PezonPour accéder à l'ensembles nos offres :